Perte du caractère relativiste du muons

Écrit par M. THIBAULT le . Publié dans Peut-on mesurer l'épaisseur d'un plafond en tuffeau grâce à l'absorption des muons ?

Face à ce problème, nous avons cherché un moyen d'expliquer pourquoi nous n'avions pas réussi à déterminer l'équation précise nous permettant de répondre à la problématique.

Hypothèse

Nous pensons qu'à partir d'une certaine épaisseur de roche traversée, les muons ne respectent plus l'équation trouvée précédemment.

 

Explications

Nous pouvons expliquer cela par le fait que le muon a perdu tellement d'énergie que son caractère relativiste ne peut plus être pris en compte, sa durée de vie dans le référentiel terrestre τ0 tend alors vers sa durée de vie propre τ1 de 2,2 µs.

Or est lié à par , qui dépend lui-même de l'énergie E du muon.

 

Grâce au forum de Sciences à l’école, nous avons trouvé que la perte d’énergie E des muons dans un milieu en fonction de l’épaisseur traversée est donnée par la relation suivante :

 

avec ρ la masse volumique du matériau traversé en g.cm-3.

Ainsi le calcaire ayant une masse volumique moyenne de 2,5 g.cm-3, la perte d’énergie est de 5,0 Mev/cm, soit 0,5 GeV/m.

L’énergie d’une particule relativiste est la somme de son énergie de masse et son énergie cinétique soit :

E=Emasse + Ec = mc² + (γ-1)mc² = γmc²

Connaissant l’énergie moyenne d’un muon au sol, soit E0=4,3GeV , on peut étudier l’évolution de cette énergie avec l’épaisseur de tuffeau traversée.

En considérant que l’énergie des muons décroît de 0,5 GeV/m tant qu’il peut être considéré relativiste, il est aisé d’exprimer l’énergie du muon en fonction de l’épaisseur de tuffeau traversée :

E = E0 - 0,5e

 

L’énergie du muon étant donnée par E =γmc² , nous pouvons en déduire le coefficient de dilatation du temps :  

La masse d’un muon est 207 fois plus grande que celle de l’électron, soit  m =1,88.10-28 kg.

L’énergie de masse du muon est donc Emasse = mc² =1,68.10-11 J = 0,105 GeV .

Il est donc possible de remonter à la durée de vie du muon dans le référentiel terrestre :

τ1 =γ.τ0=

 

Remarque : la durée de vie du muon dans le référentiel terrestre étant proportionnelle à son énergie, et son énergie variant linéairement avec l’épaisseur de roche traversée, la durée de vie du muon va donc décroître linéairement avec l’épaisseur de tuffeau traversée.

e (en m)

E (GeV)

γ

τ1 (en µs)

0

4.3

40.7

89.4

0.5

4.035

38.2

83.9

1

3.77

35.7

78.4

1.5

3.505

33.2

72.9

2

3.24

30.7

67.4

2.5

2.975

28.2

61.9

3

2.71

25.6

56.3

3.5

2.445

23.1

50.8

4

2.18

20.6

45.3

4.5

1.915

18.1

39.8

5

1.65

15.6

34.3

5.5

1.385

13.1

28.8

6

1.12

10.6

23.3

6.5

0.855

8.1

17.8

7

0.59

5.6

12.3

7.5

0.325

3.1

6.8

7.6

0.272

2.6

5.7

7.7

0.219

2.1

4.6

7.8

0.166

1.6

3.5

7.9

0.113

1.1

2.3

8

0.06

0.6

1.2

 

Figure 19 : Graphique de la durée de vie du muon en fonction de l'épaisseur de roche traversée



 

Observations

On constate donc qu’après 8 m de calcaire, les muons ne sont plus en moyenne relativistes. En effet, leur énergie serait inférieure à leur énergie de masse, ce qui n’est pas possible et on voit que le coefficient  devient plus petit que 1, ou la durée de vie plus petite que la durée de vie propre, ce qui est impossible.

 

Ainsi au-delà de 8 m de tuffeau, la plupart des muons ne sont plus relativistes car plus assez énergétique et donc leur durée de vie est réduite à leur durée de vie propre soit 2,2 µs. Ceci peut donc expliquer que leur nombre va fortement diminuer par la suite.

 

Interprétation

Notre hypothèse est donc validée, en effet, à partir de 8m de roche calcaire traversée, le muon va perdre son caractère relativiste, il ne respectera donc plus l'équation trouvée précédemment.

Il nous faudra alors établir une équation différente de la première trouvée, celle ci ne pouvant probablement s'appliquer que sur les épaisseurs de moins de 8m.

 

Nous avons tout de même voulu vérifier que la relation établie plus haut fonctionnait réellement pour des épaisseurs de tuffeau inférieures à 8m. Nous sommes donc allées chez M et Mme LEDRU, qui possèdent une cave à Nouzilly. Cette cave était pratique puisque nous pouvions estimer sa hauteur depuis l’extérieur.

Figure 20 : vue transversale de la cave à Nouzilly



Nous pouvons remarquer ici que le plafond de cette cave se compose de deux parties : la roche calcaire et l'humus végétal (terre). Nous avons estimé l’épaisseur globale de ces deux couches à environ 1 m50.

 

Nous avons donc effectué une mesure à l’intérieur de la cave et une seconde à l’extérieur, pendant 20 minutes avec un comptage toutes les minutes.

 

Lieux de la mesure

Intérieur (dans la cave)

Extérieur (au-dessus de la cave)

Nombre de muons détectés (moyenne)

131,2 ± 12

206,6 ± 12

 

Ces résultats nous montrent bien une diminution du nombre de muons. Le pourcentage d'absorption est ici de

Or, si on exploite ce pourcentage à travers l'équation trouvée précédemment, dont voici un rappel :

Le résultat obtenu est de 4,43m. Il n'est pas cohérent avec l'épaisseur réelle de roche du plafond de la cave.

En réfléchissant aux raisons de cette incohérence, nous nous sommes d'abord demandé si l'épaisseur de terre présente avait pu avoir une grande influence sur le résultat. Mais, étant donné que la masse volumique de l'humus est d'environ , c'est-à-dire nettement inférieure à celle de la roche, elle n'a pas pu fausser à ce point nos mesures.

Nous devons donc admettre que notre équation n'est pas applicable en réalité, même sur une épaisseur relativement faible telle que celle de cette expérience.

Cependant, puisqu'elle vérifiait nos valeurs d'étalonnage, l'équation est tout de même valable pour des épaisseurs assez faibles, probablement jusqu'à environ 1m d'épaisseur.