De quels paramètres dépend le nombre de muons détectés ?

Écrit par M. THIBAULT le . Publié dans Comment détecter les muons ?

Notons que le flux de muons arrivant à la surface de la Terre est décrit par un phénomène statistique. De fait, chacune des données exploitées au cours de ce projet sont des moyennes de nombreuses mesures consécutives, afin de limiter les imprécisions dues aux écarts entre la théorie et la réalité.

Le nombre de muons détectés peut varier en fonction de différents paramètres (au niveau du cosmodétecteur, et au niveau environnemental) que nous allons devoir prendre en compte pour interpréter nos mesures. Nous avons donc réalisé plusieurs expériences qui nous ont permis de tester ces paramètres un par un. Au niveau des paramètres du cosmodétecteur, nous avons essayé de déterminer si l'intervalle de comptage*, et l'inclinaison des plaques avaient une influence sur nos mesures. D'autres expériences nous ont permis d'évaluer l'influence de facteurs environnementaux sur le nombre de muons détectés : la météo et l'altitude.

 

Figure 6 : Réglages du cosmodétecteur (comptages)


Figure 7 : Réglages du cosmodétecteur (contrôle haute tension)



  • Expérience 1

Hypothèse

Le flux de muons à un endroit et un moment donnés est constant et donc proportionnel à l'intervalle de comptage.

Protocole

Pour cela, l'expérience que nous avons mise en place consiste à faire plusieurs mesures de muons, au même endroit, le même jour, en faisant à chaque fois varier l'intervalle de comptage : toutes les minutes d'abord, puis toutes les deux, quatre, six et dix minutes.

Résultats


Observations

Nous observons que la courbe modélisant le nombre de muons détectés en fonction de l'intervalle de comptage est une droite passant par l'origine du repère ; il y a donc bien situation de proportionnalité.

D'autre part, la machine, à chaque nouvel intervalle de mesure, doit respecter un temps d'étalonnage de l'ordre de 2,6 secondes, celui-ci pouvant donc entraîner un décalage et fausser légèrement la proportionnalité.

Interprétation

Nous pouvons en conclure que quel que soit l'intervalle de comptage, nos mesures seront équivalentes et ne changeront pas notre interprétation. Notre hypothèse est donc validée. Nous utiliserons cependant toujours le même intervalle de comptage pour chacune de nos expériences (soit un comptage toutes les minutes)

 

Après avoir vérifié ce critère, nous allons maintenant effectuer une expérience afin de déterminer la distribution angulaire des muons.

 

  • Expérience 2

Hypothèse

Nous supposons que le nombre de muons détectés dépend de l'orientation des raquettes du cosmodétecteur.

 

Protocole

Nous avons alors réalisé une expérience où nous avons mesuré le nombre de muons arrivant sur ces plaques, le même jour, au même endroit en faisant varier uniquement l'inclinaison à chaque mesure. Ces mesures sont faites sur 10 minutes avec un comptage toutes les minutes.

On commence donc par faire une mesure avec les plaques horizontales, puis inclinées de 10°, de 20°, de 30°, de 40° et ainsi de suite jusqu’à ce que les plaques soient totalement verticales (donc inclinées de 90°).

Résultats

 

 

Observations

Nous observons que le nombre de muons détectés est plus élevé lorsque les plaques sont horizontales que lorsqu'elles sont verticales. En effet, plus les plaques se rapprochent de la verticale, moins le nombre de muons est élevé.

 

Interprétation

Nous en concluons que la majorité des muons arrive à la verticale du sol.

Cela peut être en partie expliqué par le fait que les muons arrivant non verticalement au sol ont une épaisseur d'atmosphère plus importante à traverser (fig10). Il est donc logique qu'il en arrive moins à la surface de la Terre.

 

Figure 10 : Schéma de la trajectoire des muons



 

Cela confirme notre hypothèse ; il faudra alors effectuer nos prochaines mesures en s'assurant que les plaques du cosmodétecteur sont bien horizontales.

En outre, Karim Noui, un chercheur théoricien de l'université de Tours, nous a conseillé de vérifier si cette direction en provenance de laquelle on détectait le plus de muons était bien la verticale, et non pas la direction du soleil.

 

  • Expérience 3

Hypothèse

Nous pensons que l'on observe un « bruit de fond » constant de muons en provenance des autres sources de rayon cosmique primaire que le Soleil, et que les autres muons viennent uniquement du Soleil : le nombre de muons détectés dépendrait alors de l'inclinaison des plaques par rapport au Soleil et non par rapport à la verticale.

Protocole

Pour tester cette hypothèse, nous avons réalisé une mesure en continu durant toute une nuit pour voir une évolution du nombre de muon détectés en fonction du soleil. Nous avons obtenu une mesure par minute, entre 21h et 7h dans la nuit du lundi 11/05/15 au mardi 12/05/15.

Résultats

Figure 11 : moyennes de muons détectés par heure


Lecture : l'heure 0 correspond à minuit. Les heures « négatives » correspondent aux heures avant minuit. Chaque valeur est la moyenne des valeurs mesurées dans l'heure correspondante, par exemple la première valeur est la moyenne des valeurs mesurées entre 21h et 22h.

Observations

Nous voyons que le flux de muons reste constant au cours de la nuit.

Interprétation

Le flux de muons n'est pas ou très peu influencé par le Soleil.

Il provient donc en majorité de sources extérieures au Soleil.

Cela signifie que l'heure de nos expériences n'est pas un facteur à prendre en compte. Penchons-nous désormais sur les facteurs environnementaux qui sont potentiellement capables d'influencer nos résultats.

 

  • Expérience 4

Hypothèse

Nous supposons que la météo influe de façon significative sur le nombre de muons que l'on détecte au sol.

Protocole

Nous avons réalisé des mesures au même endroit, avec le même intervalle de comptage et sur la même durée (toutes les minutes pendant 10 minutes), lors de différentes journées avec des météos différentes, puis nous avons déterminé les moyennes de chacune des séries de mesure afin de pouvoir les comparer.

L’objectif n’était pas de parvenir à une corrélation précise entre météo et muons détectés étant donné le nombre de facteurs (nuages ou non, pluie ou non, ensoleillement, vent, température…), mais simplement de vérifier si ces facteurs avaient une influence significative.

 

Résultats

 

Ciel

Nombre de muons détectés (moyenne)

Nuageux, pluvieux

196 ± 15

Neige

194 ± 14

Soleil

177 ± 12

 

Observations

Après cette expérience, nous remarquons que le nombre de muons détectés varie en fonction de la météo. En effet, on en détecte environ 10% de plus lorsque qu'il y a présence de nuages (pluie, neige) que lorsque le ciel est clair.

Interprétation

 

Cette variation nous a semblé importante, et à l'aide de Karim Noui, nous avons pensé qu'il était possible qu'une atmosphère plus dense présenterait plus de noyaux et donc plus de possibilités de collisions créatrices de muons. Il serait alors logique que l'on détecte plus de muons lorsque le temps est humide. Toutefois, nous notons également que le temps qu'il fait à la surface ne nous donne pas forcément d'informations précises sur l'état de l'atmosphère dans ses hautes couches, où sont créés les muons.

Cependant, nos futures expériences ne devraient pas être influencées par ces variations car nous allons raisonner avec des rapports entre les nombres de muons (pourcentage d'absorption) et non directement avec les nombres moyens de muons détectés. De plus, ces expériences seront réalisées le même jour, à des moments où la météo ne changera pas et ne risquera donc pas de faire varier nos résultats.

 

Après cette expérience, nous étudierons la question de l'altitude.

  • Expérience 5

Hypothèse

Nous supposons que l'altitude à laquelle les mesures sont réalisées a une incidence sur le nombre de muons détectés.

 

Protocole

Nous avons réalisé des mesures à l'extérieur des caves Perrière de Grandmont à une altitude de 96m, avec un intervalle de comptage d'une minute pendant 10 minutes.

Puis nous avons contacté un lycée au pied du Mont-Blanc possédant également un cosmodétecteur. Ce lycée étant situé à une altitude de 685m, nous leur avons demandé d'effectuer des mesures, avec les mêmes réglages que ceux que nous utilisons habituellement, afin de pouvoir les comparer avec les nôtres.

 

Résultats

 

Lieu (altitude)

Nombre de muons détectés (moyenne)

Extérieur caves Perrière de Grand Mont (96m)

226 ± 12

Lycée du Mont blanc (685m)

290 ± 20

 

Observations

On observe que le nombre de muons détectés est plus important lorsque l'altitude est plus élevée. Nous avons calculé l'écart relatif entre ces deux valeurs :

Entre un lieu situé à une altitude de 96m et un autre à 685m on observe une différence de plus de 22%. Cette différence est suffisamment conséquente pour valider notre hypothèse.

 

Interprétation

On peut expliquer cela par le fait que les muons détectés à 685m ont parcouru une distance dans l'atmosphère moins importante que ceux détectés à 96m, il est donc logique, statistiquement, qu'une plus faible quantité se soit déjà désintégrée.

Suite à notre entretien avec Loic Villain, maître de conférences en physique à la faculté de médecine de Tours, nous avons également constaté que les muons, étant des particules chargées, étaient déviées par le champ magnétique terrestre. Or, le Mont Blanc et notre lycée se situent à des latitudes différentes : le facteur de l'altitude n'était alors pas la seule variable dans notre expérience. Cependant, nous avons considéré que la différence de latitude entre les deux lieux n'était pas si importante ; de plus, l'énergie des muons est tellement élevée que l'influence du champ magnétique devrait être négligeable.

 

 

Dans cette première partie, nous avons vérifié tous les paramètres intervenant dans nos mesures. Lors de nos expériences qui nous permettront de répondre à la problématique, nous allons prendre les précautions nécessaires.